Aller au contenu

A la recherche des oasis urbains !

Une chose est certaine pour les années à venir : le thermomètre va continuer de grimper… Et avec cette augmentation y seront associées vagues de chaleur, dôme de chaleur, sécheresse, etc. Il apparaît alors nécessaire de mettre en place des stratégies pour s’y adapter ! Or, la majorité de la population française vit en milieu urbain, auquel est associé un phénomène qui fait de plus en plus parler de lui : celui des îlots de chaleur urbains (ICU).

De quoi s’agit-il ? Quelles sont les problèmes causés par ces ICU sur l’être humain, la Nature ? Comment détecter ces îlots et surtout, comment agir pour diminuer leur impact sur notre environnement ? Sur notre santé ? Focus sur des approches développées localement, à la frontière entre étude de terrain et modélisation cartographique…

Un ilot de chaleur urbain, c’est quoi ?

Tout d’abord, de quoi parle-t-on ici ? Cet effet est un phénomène qui correspond à l’accumulation de chaleur dans les zones urbaines (villes, centres de village, etc.), causé non seulement par les constructions humaines mais aussi par notre activité1. Chauffage des bâtiments, transports, activités industrielles, climatisations… Autant d’activités qui font grimper le thermomètre au sein des villes ! Et pour ne rien arranger, la structure même des zones urbaines est propice à maintenir de fortes températures : le béton des bâtiments stocke particulièrement bien la chaleur, tout comme l’asphalte des routes, et ne relâchent que difficilement la chaleur ainsi accumulée la journée…

Ces effets ICU ont été évoqués pour la première fois dès le XIXème siècle, dont les effets ont été mesurés à Londres par le chercheur Lake Howard2. Depuis, de nombreuses recherches menées en ce sens à travers le monde entier ont permis de lier cet effet ICU à plusieurs facteurs : (i) libération de la chaleur urbaine, (ii) propriété et structure des surfaces urbaines, (iii) couverture végétale, (iv) densité de population et bien évidemment (v) la météo !

Lorsque l’on parle d’une augmentation de la température, de quoi parle-t-on ? Un petit exemple avec la ville de New-York (USA), dont l’effet ICU a été estimé à environ + 8°C3 ! A Shanghai (Chine), il serait d’environ 7.5°C4 ! Quand on vous dit que ça chauffe…

Cette figure représente le principe de l’effet ICU par rapport à l’endroit où l’on se situe. Plus on se rapproche des zones fortement peuplées, plus l’urbanisation est forte, et plus la température mesurée est élevée (modifié d’après Ariyaratne et al., 2020)

Comment les détecter ?

Maintenant que nous savons ce qu’est un ICU, la question qui demeure est de savoir comment les identifier, de comment les détecter… Comme évoqué dans le paragraphe précédent, les ICU sont liés à plusieurs paramètres. Et on peut les mesurer dans leur très grande majorité !

(i) Premier paramètre pris en compte : l’évapotranspiration des plantes. Eh oui, les végétaux aussi « transpirent », ce qui est responsable de la formation de la rosée au petit matin, de la brume matinale également. Plus cette évapotranspiration est forte, plus le refroidissement se fait ressentir.

(ii) La distance de refroidissement qu’offre les espaces verts urbains est également à prendre en compte : plus un parc est grand et boisé, plus il aura un effet de rafraichissement étalé et dépassant même son propre périmètre !

(iii) La teinte claire ou sombre des toitures, des bâtiments ou autres est également calculée. En effet, un objet sombre va accumuler plus de chaleur qu’un objet clair qui va réfléchir la lumière du Soleil (et accumuler ainsi moins de chaleur). Ce paramètre est appelé l’albédo : plus l’albédo est fort, mieux la surface renvoie les rayons du Soleil (et donc moins elle chauffe !). Une fois ces paramètres relevés, il devient alors possible grâce à des outils cartographiques et mathématiques d’établir une carte des ICUs5 ! Des données qui seront ensuite confirmées par des relevés effectués directement sur le terrain, afin de confirmer les modélisations, de les améliorer, et de les corriger…

Une telle approche est d’ailleurs développée à l’Université de Poitiers ! L’objectif est d’identifier les ICUS présents à l’échelle des 40 communes appartenant à la Communauté Urbaine Grande Poitiers, afin d’utiliser ces résultats pour les intégrer dans les politiques d’aménagement du territoire.

Cette image correspond à la carte géographique de Poitiers sur laquelle sont indiqués les fameux ICUs (zones en rouge), et ce à partir des températures mesurées en Août 2020. Chaque point noir correspond à une station météorologique ayant servi à faire la mesure… Plus d’une centaine en a été utilisé pour réaliser cette image ! (©Axel Jame)

Que faire ensuite ?

Une fois ces ICUs identifiés, comment faire pour limiter leur impact ? Première piste à explorer : améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, et limiter ainsi les fameuses « passoires thermiques ». On en entendu surtout parler en hiver, afin de diminuer la facture de chauffage… Et pourtant ça marche dans les 2 sens : un bâtiment bien isolé va perdre moins de chaleur l’hiver, et il perdre moins de fraicheur l’été… Pour aller dans le même sens, une autre solution serait d’utiliser des matériaux de construction qui réfléchissent davantage la lumière, augmentant ainsi l’albédo du bâtiment. Et bien entendu, une autre solution consiste à végétaliser au maximum les aires urbaines par l’implantation de toits végétaux, de plus nombreux parcs et plans d’eau également… Bref, augmenter le nombre d’infrastructures dites « vertes » et « bleues ». Car au-delà de notre confort, c’est bien aussi notre santé qui se joue ici…

La règle du 3-30-300

En effet, cela fait depuis plusieurs années que les bénéfices des espaces verts sur notre santé sont connus ! Espérance de vie plus longue, diminution des problèmes de santé mentale, meilleure humeur, des bébés qui tombent moins souvent malades6,7… Autant de bénéfices que l’on peut attribuer aux espaces verts ! En plus de réduire la pollution de l’air, la pollution sonore, la chaleur, et bien d’autres8

Il est en effet bénéfique pour la santé que d’avoir au moins 30% de zones couvertes par des arbres dans son quartier6 ! Ne serait-ce que de voir des arbres est d’ailleurs bénéfique pour le moral et la santé mentale, même contemplé de la fenêtre de chez soi9

De ces différents éléments est d’ailleurs née la règle des espaces verts des 3-30-300 : elle suggère que (i) chaque citoyen.ne devrait être capable de voir au moins 3 arbres depuis son habitation, (ii) que 30% de de son quartier soit couvert d’arbres et que (iii) qu’il ou elle ne devrait pas vivre à moins de 300 mètres du parc ou de l’espace vert le plus proche10 ! Et d’ailleurs, qui dit « espaces vertes » dit également une augmentation de la biodiversité présente, et donc un environnement local qui va mieux… Car soigner notre environnement, c’est aussi prendre soin de notre santé !

Références bibliographiques
  1. Oke, T. R. City size and the urban heat island. Atmospheric Environment (1967) 7, 769–779 (1973).
  2. Oke, T. R. The energetic basis of the urban heat island. Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society 108, 1–24 (1982).
  3. Chen, X.-L., Zhao, H.-M., Li, P.-X. & Yin, Z.-Y. Remote sensing image-based analysis of the relationship between urban heat island and land use/cover changes. Remote Sensing of Environment 104, 133–146 (2006).
  4. Tran, H., Uchihama, D., Ochi, S. & Yasuoka, Y. Assessment with satellite data of the urban heat island effects in Asian mega cities. International Journal of Applied Earth Observation and Geoinformation 8, 34–48 (2006).
  5. Zawadzka, J. E., Harris, J. A. & Corstanje, R. Assessment of heat mitigation capacity of urban greenspaces with the use of InVEST urban cooling model, verified with day-time land surface temperature data. Landscape and Urban Planning 214, 104163 (2021).
  6. Gascon, M. et al. Mental Health Benefits of Long-Term Exposure to Residential Green and Blue Spaces: A Systematic Review. International Journal of Environmental Research and Public Health 12, 4354–4379 (2015).
  7. Rojas-Rueda, D., Nieuwenhuijsen, M. J., Gascon, M., Perez-Leon, D. & Mudu, P. Green spaces and mortality: a systematic review and meta-analysis of cohort studies. The Lancet Planetary Health 3, e469–e477 (2019).
  8. Nieuwenhuijsen, M. J. Urban and transport planning pathways to carbon neutral, liveable and healthy cities; A review of the current evidence. Environment International 140, 105661 (2020).
  9. Dzhambov, A. M. et al. Does greenery experienced indoors and outdoors provide an escape and support mental health during the COVID-19 quarantine? Environmental Research 196, 110420 (2021).
  10. Konijnendijk, C. C. Evidence-based guidelines for greener, healthier, more resilient neighbourhoods: Introducing the 3–30–300 rule. J. For. Res. 34, 821–830 (2023).